Info 30
Les petites mains
Rencontre avec les Petites Mains, compagnie de spectacle vivant qui propose des spectacles en langue des signes et qui était de passage à Arras lundi dernier.
TRANSCRIPTION DU SUJET
Extrait musical Stromae – Pas vraiment
Nico (PFM) Rencontre avec la Cie les Petites Mains. Cette compagnie propose notamment des spectacles en langue des signes, mêlant aussi danse et théâtre, à destination d'un public sourd et accessibles aux entendants. Lundi dernier, à l'occasion du passage de la flamme paralympique à Arras, les Petites mains y présentaient le spectacle “Portraits Croisés”.
Marie Lemot Je suis comédienne. Avec Igor, on a créé la Cie les Petites Mains.
Igor Casas Au départ, je suis interprète de langue des signes. Aujourd'hui, je suis aussi comédien et chansigneur.
Nico (PFM) Igor, tu es arrageois ?
Igor Casas Arrageois de base, ouais !
Nico (PFM) Comment est née votre compagnie, de quelle rencontre et de quelles envies communes?
Marie Lemot Igor et moi, on s'est rencontrés lors d'un stage de visuel vernaculaire (une forme d'art en langue des signes). On a d'abord commencé à être en couple et puis on a réalisé qu'on avait beaucoup envie de travailler ensemble, notamment autour du chansigne. Et donc la compagnie est née comme ça.
Igor Casas Elle est née sous l'impulsion d'une chanson qu'on a faite... qui est bien connue... une chanson de HK... dont j'ai oublié le titre évidemment (rires)
Marie Lemot Danser encore !
Igor Casas (reprend) On a accompagné HK sur plusieurs de ses performances dans la rue à cette époque-là, au moment du COVID. Du coup, on en a fait un clip qui a fait un gros carton. A ce moment-là, on a commencé à être sollicités partout pour faire des ateliers de chansigne. On a donc créé la structure pour avoir un cadre administratif. C'est parti de là.
Nico (PFM) Pour celles et ceux qui ne connaissent pas le chansigne, comment vous le définiriez ?
Marie Lemot Tous les chansigneurs ne sont pas d'accord avec les détails de la définition mais le chansigne, ce serait « chanter en langue des signes ». Il y a deux types de chansigne communément admis : la reprise (une chanson existante dont on adapte le texte et la musique en langue des signes) et le chansigne de création (on crée directement en langue des signes, avec ou sans musique). Voilà pour une définition très large. Nous, on n'aime plus trop se dire qu'on fait du chansigne parce qu'on y insère beaucoup de théâtre et de jeu, de costumes, on met un un peu de visuel vernaculaire. On n'aime pas trop faire des cases. On se demande, par rapport à une proposition, quelles seraient les meilleures méthodes pour arriver à un résultat satisfaisant en langue des signes pour le public et pour nous.
Igor Casas Il faut que ça parle aux sourds. On essaie de raconter des histoires, de rentrer dans des personnages, de transmettre des émotions. C'est du chansigne à la base, mais avec des couches supplémentaires.
Nico (PFM) Justement, on regardant le spectacle, je me demandais quelle était la limite entre la danse, le jeu et la langue. Est-ce que le public sourd arrive à comprendre les textes.
Igor Casas Oui, je pense que les textes sont compréhensibles. On a beaucoup travaillé sur l'adaptation. On a beaucoup réfléchi pour retrouver de la mélodie, des rimes en langue des signes. On joue les intentions, on fait passer les émotions. On essaie de donner des couleurs différentes aux personnages qu'on incarne. On ne le fait pas uniquement pour rendre les choses plus claires pour les sourds mais aussi pour que les entendants puissent comprendre les intentions de jeu. On a essayé de faire un spectacle qui s'adresse autant aux deux publics pour que tout le monde passe un bon moment. Ça passe par les expressions du visage, qui sont un langage universel, ou par les paroles de Stromae. A Aurillac, on s'est rendus compte que ça marchait bien auprès des deux publics.
Extrait musical Stromae – Riez
Nico (PFM) Est-ce que vous pouvez nous parler du choix de l'artiste et de l'album ?
Marie Lemot Quand l'album est sorti, on a écouté Santé et L'enfer, qui nous ont énormément plu. Notamment L'enfer. Je voulais absolument l'adapter en chansigne. En écoutant plus en avant l'album, on a réalisé qu'il y avait tout un tas de personnages à l'intérieur. C'est pas pour rien qu'il a appelé cet album Multitude. Il y a des instruments qui viennent du monde entier mais il y a aussi des personnages qui viennent de tous les horizons. On a trouvé ça très beau. C'est pas un album dans lequel l'artiste raconte sa vie ou celle de ses proches. Là, Stromae se met vraiment à la place de gens qui ne lui ressemblent pas du tout et qui n'ont pas la même vie que lui. Ce qui nous plaisait beaucoup, c'était de passer de rôle en rôle et d'avoir plein de paroles différentes.
Nico (PFM) Ce spectacle est donc une traduction mais vous avez aussi parlé de formes d'art spécifiques aux langues des signes. Pouvez-vous nous parler notamment du visuel vernaculaire ?
Igor Casas C'est quelque chose qui n'est pas connu du tout en dehors de la communauté sourde. Vous pouvez regarder ça sur Youtube. En France, on a l'un des plus grands artistes sourds dans le monde parce que c'est un art qui est pratiqué par la communauté sourde du monde entier. Il n'y a pas de référence à la langue des signes d'un pays ou d'un autre. On peut être français et regarder un chinois faire du visuel vernaculaire, on va comprendre. C'est un art entre le mime, la langue des signes et la grammaire du cinéma. On fait des gros plans, des travellings, des zooms, des de-zooms... Ça raconte des petites histoires.
Marie Lemot Il y a quelque chose d'universel dans cette forme d'expression. Elle est souvent comparée au mime. On joue tous les personnages. Par exemple, si on décrit quelqu'un qui boit un verre de bière, on doit faire le comptoir, l'homme derrière le bar, le verre de bière, les bulles. Et donc on peut zoomer comme cela en créant une histoire cinématographique.
Nico (PFM) Vous êtes ici aujourd'hui à la Citadelle d'Arras à l'occasion du passage de la flamme des jeux paralympiques, quel est votre regard sur cet événement sportif et sociétal ?
Igor Casas Bah c'est l'occasion d'accueillir le monde entier et donc aussi de présenter la culture française et ses différentes disciplines artistiques. Bon voilà. Nous, on est pas particulièrement amateurs de sport. On est invités à rejouer le spectacle au village paralympique à Vincennes le 31 août. Donc c'est l'occasion de présenter notre travail. Mais, je vous avoue, je n'ai pas regardé une seule compétition. Rien du tout. Donc bon. J'ai pas grand'chose à dire là-dessus.
Marie Lemot Ici, l’organisation nous a appelés parce qu'ils cherchaient un spectacle avec de la langue des signes. Peut-être qu'on étaient la seule proposition à cadrer avec leurs besoins.
Nico (PFM) Igor, tu es arrageois. Comment tu vois la vie culturelle autour de la culture sourde à Arras ?
Igor Casas C'est vrai qu'Arras est une ville où proportionnellement, il y a une grande communauté sourde du fait de la présence du Centre d’Éducation pour Jeunes Sourds. Il y a un tissu associatif (une association sportive, l'association Trèfle qui a fondé le Gestival). C'est une ville moyenne mais avec une certaine attractivité par rapport à la langue des signes. Voilà.
Extrait musical Stromae – invaincu
Nico (PFM) C'était Igor Casas et Marie Lemot, de la compagnie les Petites mains. Ce duo présentait lundi dernier le spectacle “Portraits Croisés” adaptation en chansigne , en danse et en théâtre du dernier album de Stromae Multitudes. Retrouvez leur actualité, leurs propositions de spectacles ou d'ateliers sur https://cielespetitesmains.com/
Petite précision à propos du rapport de la communauté sourde aux jeux paralympiques. Les athlètes sourds ne participent pas aux Jeux Paralympiques. Une majorité des personnes de la communauté sourde soutient des jeux séparés (notamment les Deaflympics, reconnus par le Comité international olympique). Avec cette idée que les personnes sourdes ne se considèrent pas comme invalides, en particulier sur le plan physique et et qu'elles considèrent faire partie d'une minorité culturelle et linguistique.